Dématérialisation des congés payés et autres absences

Les logiciels de gestion des congés face à la bonne gestion de la paie

Les logiciels de gestion du temps de travail et de gestion des congés viennent aujourd’hui faciliter  la gestion des ressources humaines.

Ces logiciels se développent, fonctionnent mais certains employeurs en font une mauvaise utilisation qui conduit à des erreurs dans les paies.

On peut dès lors se demander si l’informatique peut valablement et efficacement écarter les professionnels de la Paie de cette gestion ?

Il semble donc nécessaire de faire le point sur le sujet.

  • I) Que sont ces logiciels de gestion du temps de travail ?

Ces logiciels permettent facilement de gérer les plannings des congés et des absences (en workflow), les demandes de congés, la gestion des compteurs et une interface avec une gestion des variables de paie ou vers un logiciel de paie (SAGE, ADP-GSI, CEGID, CCMX…).

D’un côté, l’employeur peut recevoir et valider les demandes de congés par informatique et de l’autre, le salarié peut voir ses droits aux congés et obtenir une simulation.

Ces logiciels sont plus ou moins complets mais facilitent indéniablement la gestion des ressources humaines.

Ils se présentent le plus souvent sous la forme de tableaux configurables indiquant par diverses couleurs les présences et absences des employés.
Chaque ligne représente le planning d’un employé ce qui permet de visualiser rapidement et efficacement le temps de travail ainsi que les droits à congé de chacun.

Voir par exemple le logiciel de gestion des congés payés : UGO.

  • II) Les limites de ces logiciels

La limite de l’usage de ces logiciels existe de par son interaction avec la Paie.

En effet, l’employeur ne doit pas abuser du système informatique afin d’empiéter sur le travail des gestionnaires de paie.

A) Les utilisations à risque

Il ne faut pas croire que l’utilisation de ces logiciels peut remplacer la gestion humaine du temps de travail.

Il serait erroné de penser que l’emploi d’un de ces logiciels peut dispenser le gestionnaire de paie du suivi des congés.

Le gestionnaire de paie doit nécessairement pouvoir maîtriser l’historique des droits à congés.

L’employeur ne saurait se contenter de fournir les dates d’absence avec leurs motifs ainsi que le nombre des jours de congé acquis, pris et restant.
Le gestionnaire de paie deviendrait ainsi passif et impuissant face aux erreurs des paies.

  • B) Le risque d’erreur dans le calcul de l’indemnité ou la complexité du mode de calcul

Lorsque l’employé prend un congé, l’employeur doit lui verser l’indemnité la plus favorable selon cette comparaison (article L. 3141-22 du code du travail) :

Maintenir le salaire

ou verser 1/10 de la rémunération totale perçue par le salarié pendant la période de référence

Cette comparaison doit être effectuée même si les congés correspondent à deux périodes de référence ou si elles sont d’origine conventionnelle.

Le résultat sera donc différent si le salarié a effectué des heures supplémentaires pendant la période de référence ou s’il y a eu une augmentation ou une diminution de sa rémunération.

Sont pris en compte dans l’indemnité (articles L. 3141-23 et L. 3141-24 du code du travail)  :

  • le salaire brut
  • les heures supplémentaires
  • le travail dominical et les jours fériés
  • les avantages en nature
  • les pourboires
  • les commissions
  • les primes et indemnités si elles ne couvrent pas un risque exceptionnel (quelques exceptions existent toutefois)
  • l’indemnité de congés payés de l’année précédente ( N-1 )
  • les salaires versés durant les périodes de maladie assimilées à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés (AT/MP…)

Dès lors, il est nécessaire de vérifier laquelle des solutions est la plus favorable au salarié. Une systématisation du calcul entraînerait des erreurs incompatibles avec le code du travail (risque de rappel de salaire).

Exemples :

Un salarié a pris des jours de congé.
Ceux-ci ne passent pas par la gestion de la paie mais uniquement par le logiciel de gestion du temps.
Il sera alors demandé à la Paie la régularisation des compteurs afin de rectifier le nombre de jours de congés pris et restant.

Dès lors, le calcul de l’indemnité la plus favorable au salarié devient impossible puisque le gestionnaire de paie n’a plus toutes les informations.

De même si un salarié a posé des congés qu’il n’a pas pris et qui ne sont pas passés par la Paie.
Se contenter de corriger le compteur entraînerait des erreurs puisqu’il faudra aussi annuler la retenue et l’indemnité afin que les congés ne soient pas payés deux fois.

Pour d’autres exemples explicatifs de la variation de la rémunération lors des congés (voir) :

En outre, voici un simulateur de décompte légal des congés payés.

  • C) Les obligations de suivi d’un gestionnaire de paie

Il ressort de l’arrêté du 20 décembre 2005 (NOR : SOCF0512605A), relatif au titre professionnel de gestionnaire de paie, diverses obligations au titre de la responsabilité professionnelle du gestionnaire de paie.

Le rôle du gestionnaire de paie est d’assurer la tenue et le suivi du dossier social de l’entreprise ainsi que d’assurer la gestion de la paie et des déclarations sociales.

Le gestionnaire de paie a la responsabilité, pour le compte de l’entreprise, du suivi, de l’analyse et du traitement des informations sociales.
Il assure le traitement de la paie à l’aide d’un logiciel dédié et sa vérification en fonction de la législation, des conventions collectives et des contrats de travail applicables.

Pour cela, il assure en toute autonomie une veille technique sur les évolutions réglementaires et jurisprudentielles qu’il analyse et traite. Il prend en charge l’ensemble des déclarations sociales relatives à la paie auprès des différents organismes.

Il établit les tableaux de bord concernant la gestion et le suivi des salaires. Il est en relation avec les différents interlocuteurs techniques internes (comptable, secrétaire, etc.) ou externes (organismes sociaux…) de l’entreprise.

Les obligations du gestionnaire de paie sont donc :

  • D’analyser et d’assurer la gestion des informations liées aux relations du travail
  • De collecter les informations et traiter les événements liés au temps de travail du personnel
  • D’assurer les relations avec le personnel et les tiers
  • De réaliser et de contrôler les bulletins de salaire
  • D’établir et de contrôler les déclarations sociales mensuelles et trimestrielles
  • D’établir et de contrôler les déclarations sociales annuelles
  • De préparer et de transmettre les données chiffrées de la paie

Il est donc impératif que le gestionnaire de paie ait la maîtrise de toutes les informations chiffrées tenant au temps de travail des employés.

 

III) Les arguments erronés des vendeurs de logiciels de gestion du temps

Puisqu’il est facultatif d’indiquer les droits à congés sur le bulletin de paie, on pourrait donc écarter la Paie de cette gestion.

Le logiciel se suffirait afin de gérer les droits et d’exporter les données mensuelles informatisées vers la Paie pour un traitement à la volée.

Cependant, reléguer la Paie à un simple rôle de porte-monnaie empêche un suivi du temps de travail et d’absence du salarié, et ainsi, occasionne des erreurs dans la paie.

La paie ne peut pas fonctionner de manière systématique puisque sa gestion demande une connaissance approfondie du droit social.

IV) Le bon emploi des logiciels de gestion des congés : une double gestion

Ces logiciels doivent donc être utilisés avec une double gestion : une gestion humaine, les gestionnaire de paie, et une gestion informatique.

Les droits à congé acquis et restant doivent rester informatifs afin de permettre des simulations de demande pour le salarié par le système informatique.

Les prises de congés remontent d’abord vers la Paie et les droits acquis sont calculés par le gestionnaire.

Les prises sont alors intégrées depuis le logiciel et les soldes sont calculés par le gestionnaire.

Enfin, l’employeur vérifie les soldes de la paie pour ajuster les informations.

Il est donc impératif que le système informatique de gestion des congés ne serve qu’à exporter les dates d’absence et le nombre des jours pris sans inclure le compteurs des droits et que la Paie reste maître sur les droits à congés payés.

Antoine JUILLARD
Master II en Droit des contentieux

 

C’est ainsi que les gestionnaires de paye doivent mettre en garde les utilisateurs de ce genre de logiciels, et même des logiciels de paye en indiquant que le chiffrage réalisé « mois par mois » n’est pas définitif.

Pour mieux me faire comprendre, je vais faire appel à un exemple :

  • Supposons le salarié absent pendant 22 jours pendant un mois.
  • Le logiciel de gestion de congés (ou le logiciel de paye) aurait la tentation de réduire le droit aux congés payés acquis pour le mois.
  • Ainsi le salarié n’aura pas acquis 2.50 jours ouvrables de congés payés, mais peut être 1 jour voire pas de jours acquis.
  • Si à la fin de la période de référence, soit au 31 mai N+1,  le salarié n’a jamais été absent (sauf pendant ces 22 jours) le droit aux congés payés sera complet, et c’est le gestionnaire de paye qui jouera alors le rôle de « garde fou ».

2.   La gestion des jours de fractionnement :

Dans ce domaine, il est important aussi de faire intervenir le gestionnaire de paye et de ne pas laisser une totale indépendance au logiciel de gestion des congés payés.

Pour mémoire, il faut se souvenir que le calcul d’éventuels jours de fractionnement ne peut se faire qu’au 31 octobre N+1 (fin de la période estivale) pour des droits acquis pendant la période de référence (01er juin N au 31 mai N+1)

Légalement, le droit aux jours de fractionnement se réalise en fonction du solde du congé principal (soit sur les 4 semaines) mais il faut tout de même vérifier si l’entreprise n’effectue pas le calcul sur la totalité des congés payés (soit sur les 5 semaines) car cela existe actuellement.

Les conditions légales indique que si le solde du congé principal est de :

  • Au moins 6 jours, le salarié aura droit à 2 jours de fractionnement
  • De 3 à 5 jours, le salarié acquiert 1 jour de congé de fractionnement.

Mais dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples et les jurisprudences fréquentes nous l’indiquent.

Si c’est l’employeur qui est à l’origine du fractionnement, les jours supplémentaires de congés payés sont automatiquement dus.

Si c’est le salarié qui est à l’origine, les choses sont moins simples car il faut envisager plusieurs cas de figure :

  • 1)  Le salarié demande à fractionner ses congés payés : l’employeur accepte et lui attribue des jours de fractionnement si le solde au 31 octobre est suffisant.
  • 2)  Le salarié demande à fractionner ses congés payés mais l’employeur refuse, le fractionnement est impossible.
  • 3)  Le salarié demande à fractionner ses congés payés, l’employeur accepte mais lui demande à renoncer aux jours de fractionnement (le salarié pourra accepter ou renoncer au fractionnement)

Nous constatons que nous devons faire appel à des considérations particulières et à traitement « humain ».

3.   La « traduction » jours ouvrés/jours ouvrables :

Le code du travail prévoit le calcul du droit aux congés payés en jours ouvrables, mais certaines entreprises chiffrent ce droit en jours ouvrés.

Il faut alors se méfier d’une traduction « stricte » du droit !

En effet, indiquer à un salarié qui justifie d’une présence sans aucune absence pendant la période de référence que son droit en jours ouvrables de 30 jours correspond à 25 jours ouvrés serait une erreur fatale !

Prenons un exemple :

  • Un salarié part en congés payés pendant une semaine complète, dans laquelle figure un jour férié habituellement chômé dans l’entreprise qui se situe le samedi.
  • Dans un décompte en jours ouvrables :
  • Le salarié aura utilisé 5 jours de congés (du lundi au samedi moins le samedi férié)
  • Dans un décompte en jours ouvrés :
  • Le salarié aura utilisé 5 jours de congés (du lundi au vendredi, le samedi n’est pas compté dans ce le décompte en jours ouvrés)
  • Le salarié sera alors lésé, l’entreprise devra lui attribuer un jour de congé supplémentaire.
  • Il me semble dangereux de laisser cette gestion particulière à un logiciel, il est prudent de faire appel à un gestionnaire de paie.

En conclusion, les logiciels de gestion des congés payés peuvent être une aide non négligeable pour les gestionnaires de paye, les responsables RH, les chefs d’entreprise et les salariés.

Ils ne peuvent selon moi, gérer en toute autonomie la totalité des particularités liées à la gestion des congés payés.