Eclairage : Saisie sur rémunération et gestion de paye

La saisie sur rémunérations.

De par son caractère alimentaire, le salaire fait l’objet de diverses protections et notamment contre les saisies.
Cette protection concerne tous les types de rémunérations quelqu’en soit le montant ou la nature, peu importe même que le contrat de travail soit en cours d’exécution ou non.

I)    Définition

Toute créance peut donner lieu à une saisie des rémunérations.
Il s’agit là d’une procédure par laquelle le créancier s’adresse à l’employeur du débiteur afin qu’il pratique une retenue sur la rémunération afin de le rembourser.

II)  Conditions à la saisie sur rémunérations

Quelque soit l’origine, le montant ou la nature de la créance, la saisie sur rémunérations est possible si ces conditions sont réunies :

  • La créance doit être exigible (elle est arrivée à échéance)
  • La créance doit être liquide (le montant est déterminé et non contestable)
  • En présence d’un titre exécutoire (une décision judiciaire, certains actes notariés ou un titre délivré par une personne morale de droit public)

La saisie peut s’opérer sur tous types de rémunérations quelque soit le montant, quelque soit le nombre des employeurs, et quelque soit la nature et la forme du contrat de travail.

Il faut cependant que la personne dont la rémunération est saisie soit bien un employé.
Il doit impérativement exister un lien de subordination entre l’employeur qui retiendra les sommes et le débiteur.
Ainsi sont exclus de la saisie sur rémunérations :

  • les travailleurs indépendants,
  • les artisans,
  • les agriculteurs,
  • et les personnes exerçant une profession libérale.

Il faudra en outre que l’employeur ait son siège social ou un établissement en France.

Il est aussi impératif que l’employeur soit encore en possession des sommes.

III)         La quotité saisissable

Pour déterminer la quotité saisissable de la rémunération, il faut appliquer un barème déterminé par décret chaque année.

Pour effectuer le calcul et à défaut de texte, il conviendra d’appliquer les tranches annuelles du barème à la rémunération cumulée des douze derniers mois et de diviser le résultat par douze.
Dans le cas où le salarié n’a pas travaillé auparavant, il est possible de calculer la quotité saisissable à partir du salaire net du mois en cours.

Si le débiteur a plusieurs employeurs, le calcul s’effectuera sur l’intégralité des salaires.

Il faut aussi noter que les seuils du barème font l’objet d’une majoration de 1310 euros par personne à charge du débiteur.

Par exception, les pensions alimentaires peuvent être prélevées sur l’intégralité de la rémunération.

Dans tous les cas, doit être laissée à disposition de l’employé une somme au moins équivalente au RSA.

Depuis le 10 décembre 2008, en 2009 et aussi durant cette année 2010, le Décret 2008-1288 fixe le barème des saisies et cessions des rémunérations

IV)         Qu’entend-t-on par « rémunération » ?

Parle-t-on de salaire brut ou net ? Et les accessoires ? Quelles sont les sommes saisissables ?

Les sommes saisissables au titre de la saisie sur rémunérations sont :

  • Le salaire à proprement parlé après déduction des cotisations sociales obligatoires, de la CSG et de la CRDS,
  • Les indemnités pour heures supplémentaires,
  • Les avantages en nature,
  • Les pourboires,
  • Les primes, gratifications et participations aux bénéfices,
  • Les cotisations à un régime de retraite complémentaire non obligatoire,
  • Les cotisations à une caisse mutuelle d’assurance maladie, invalidité ou décès,
  • Les indemnités de congés payés et indemnités compensatrices de congés payés,
  • Les indemnités journalières de maladie, de maternité et d’accident du travail,
  • Les allocations intempéries,
  • Les allocations complémentaires versées en cas de réduction horaire,
  • Les indemnités compensatrices de préavis,
  • Les indemnités de chômage versées par Pôle Emploi,
  • Les indemnités de précarité d’emploi,
  • Les allocations du Fonds National de l’Emploi,
  • Les indemnités de fin de contrat,
  • Les pensions et les rentes viagères d’invalidité,
  • Les pensions et rentes d’invalidité et de vieillesse (régime général et complémentaire),
  • Et les pensions et secours de la caisse de retraites des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance.

Il est à noter qu’il existe des exceptions à l’insaisissabilité des prestations familiales pour le paiement des dettes alimentaires ou liées à la contribution des charges du mariage et à l’entretien des enfants ainsi que pour le paiement des frais de soins, d’hébergement, d’éducation ou de formation en établissement spécial pour handicapés.

V)  Comment engager une procédure aux fins de saisie sur rémunérations ?

Le créancier doit déposer une requête au secrétariat-greffe du Tribunal d’Instance (quelque soit le montant) du lieu où demeure le salarié.
A défaut de domicile connu ou situé en France, le Tribunal compétent sera celui du lieu où est situé l’employeur.

La requête doit comporter ces mentions :

  • Nom, Prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du créancier,
  • Noms et adresse du débiteur,
  • Nom et adresse de l’employeur du débiteur,
  • Objet de la demande et décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus et l’indication du taux des intérêts,
  • Indications relatives aux modalités de versement des sommes saisies,
  • Date de la requête,
  • Signature du créancier.

La requête doit avoir en annexe une copie du titre exécutoire.

La procédure se poursuivra par une tentative de conciliation entre le débiteur et le créancier devant le juge d’instance.
Le débiteur sera convoqué par une lettre recommandée avec accusé de réception quinze jours au moins avant la date de l’audience.

S’il y a conciliation, le greffier dresse un procès verbal signé par le débiteur et le créancier.

Si le débiteur ne respecte pas ses engagements, le créancier pourra demander au Greffe de procéder à la saisie sans nouvelle conciliation.

Si aucune conciliation n’est possible, le juge pourra ordonner une saisie sur rémunération.

VI)         Que doit faire l’employeur en cas de saisie sur rémunérations ?

L’acte de saisie est établi par le greffier du tribunal puis notifié à l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception.

En pratique, les proportions mensuelles dans lesquelles les rémunérations sont saisissables  et les modalités de règlement sont indiquées au verso.

Dans les 15 jours de la notification, l’employeur doit déclarer au Greffe la situation de droit existant entre lui et le salarié.
La non exécution pourra être punie d’une amende de 3000 euros ainsi qu’au paiement à des dommages et intérêts.
En outre, l’employeur pourra être déclaré débiteur des retenues qu’il aurait dû réaliser (En pratique, il recevra préalablement une lettre de rappel).

Si un événement susceptible de suspendre la saisie (ex. : interruption de contrat de travail ou lorsque la rémunération n’est plus à la charge de l’employeur) intervient, l’employeur dispose de 8 jours pour prévenir le Greffe.

S’il existe plusieurs procédures de saisie sur rémunérations, l’employeur doit alors les régler par ordre de priorité : la créance alimentaire, la créance du Trésor puis les créances de droit commun.

L’employeur doit informer le comptable public de la saisie en cours.

Chaque mois, l’employeur devra réopérer le calcul de la retenue et envoyer tous les mois la somme retenue au Greffe sans interruption jusqu’à ce qu’il reçoive une ordonnance de mainlevée.

VII)       Comment peut réagir un salarié saisi ?

Le salarié qui fait l’objet d’une saisie sur rémunérations peut contester le montant de la retenue en s’adressant directement au Juge d’Instance ou par l’intermédiaire d’un Avocat ou d’un Huissier de justice.

Il peut aussi, s’il rencontre des difficultés financières, demander un délai de grâce au Tribunal d’Instance.
Il pourra alors bénéficier d’un délai de deux années au maximum.

VIII)    Qu’en est-il de la déclaration de revenus ?

L’employé qui a fait l’objet d’une saisie n’a pas à en tenir compte lorsqu’il procède à sa déclaration de revenus.
Il devra déclarer les sommes qu’il aurait dû percevoir s’il n’avait pas été saisi.

Références : Articles L. 3252-1 et R. 3252-1 et suiv. du code du travail.

Antoine JUILLARD

Master II en Droit des contentieux

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