Géolocalisation dans l’entreprise : les règles applicables

1. Contraintes liées au droit du travail

L’employeur qui souhaite mettre en place un dispositif de géolocalisation dans l’entreprise doit, d’une part, informer et consulter les représentants du personnel et, d’autre part, informer les salariés.

1.1. Information/consultation du comité d’entreprise

L’information/consultation du comité d’entreprise est requise sur le fondement de trois articles spécifiques :

Article L. 2323-13 du Code du travail :

« Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail. »

Article L. 2323-32, alinéa 3 du Code du travail :

« Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci. »

 

Article L. 2323-32, alinéa 3 du Code du travail :

« Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. »

La consultation du comité d’entreprise doit permettre à ce dernier de donner son avis sur la pertinence et la proportionnalité entre l’utilisation de la géolocalisation et la finalité recherchée (surveillance des salariés, suivi du temps de travail, etc.).

1.2. Information/consultation du CHSCT

Le CHSCT doit également être informé et consulté sur le recours à la géolocalisation, en application de l’article L. 4612-8 du Code du travail.

Ce texte dispose en effet que « le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail… »

La Cour d’appel de Paris (CA Paris 5 décembre 2007 n° 07-11402) a retenu cette solution concernant l’enregistrement automatique des communications des salariés.

Il y a lieu de considérer que la mise en place de la géolocalisation impose à l’employeur la saisine préalable du CHSCT, compte tenu des termes très larges de l’article L. 4612-8 du Code du travail.

1.3. Information des salariés

Enfin, chaque salarié doit être informé, conformément à l’article L. 1222-4 du Code du travail selon lequel « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »

 

Bien que le texte ne l’exige pas expressément, il est fortement conseillé de procéder à une information individuelle de chaque salarié, afin d’éviter toute contestation.

L’information individuelle est d’ailleurs une exigence de la CNIL (délibération n° 2006-066 du 16 mars 2006).

Quant à la nature des informations à porter à la connaissance des salariés, la CNIL (délibération précitée) considère que ceux-ci doivent être informés :

– de la finalité ou des finalités poursuivie(s) par le traitement de géolocalisation ;

– des catégories de données de localisation traitées ;

– de la durée de conservation des données de géolocalisation les concernant ;

– des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

– de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition et de leurs modalités d’exercice ;

– le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un Etat non membre de la Communauté européenne.

2. Règles liées à la CNIL

La CNIL a fixé les règles applicables à la géolocalisation dans sa délibération précitée
n° 2006-066 du 16 mars 2006 portant adoption d’une recommandation relative à la mise en œuvre de dispositifs destinés à géolocaliser les véhicules automobiles utilisés par les employés d’un organisme privé ou public.

2.1. Cas de recours à la géolocalisation

Pour la CNIL, la mise en œuvre de tels dispositifs n’est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :

– la sûreté ou la sécurité du salarié lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs, etc.) ;

– une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, (interventions d’urgence, chauffeurs de taxis, flottes de dépannage, etc.) ;

– le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule (ramassage scolaire, nettoyage des accotements, déneigement routier, patrouilles de service sur le réseau routier, etc.) ;

– le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d’autres moyens.

Attention : comme la Cour de cassation (Cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-18036) l’a récemment jugé : « un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés. »

A défaut, l’employeur ne peut se prévaloir des données collectées à l’encontre des salariés et s’expose en outre à des poursuites pénales sur le fondement de l’article 226-21 du Code pénal, réprimant le détournement de finalité.

2.2. Conditions de recours à la géolocalisation

L’installation d’un  dispositif de géolocalisation n’est possible qu’après avoir effectué, sur le site Internet de la CNIL (www.cnil.fr), une déclaration de conformité à la norme simplifiée
n° 51.

Par ailleurs, selon la CNIL, l‘utilisation d’un traitement de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent du salarié concerné.

Ainsi, la CNIL « recommande la désactivation du système embarqué dans les véhicules des employés en dehors des horaires de travail ou lors des temps de pause (ex : déjeuner). »

De même, la géolocalisation doit nécessairement s’accompagner de mesures de sécurité, limitant l’accès aux données de géolocalisation aux personnes habilitées.

Enfin, précisons que la CNIL préconise de fixer une durée de conservation des données issues de la géolocalisation limitée à 2 mois.

Me Xavier Berjot – Avocat Associé
OCEAN AVOCATS
www.ocean-avocats.com