Gestionnaire de paie : traiter l’inaptitude du salarié en contrat CDD ou CDI.

Inaptitude au travail : le contrat CDD ne se traite pas comme le CDI

         I.    L’affaire jugée par la Cour de cassation

Une salariée est engagée en contrat de professionnalisation (l’ancien contrat de qualification) sous forme d’un contrat CDD du 08/10/2007 au 31/08/2009.

Elle est déclarée définitivement et totalement inapte au travail, à la suite d’un arrêt de maladie, par la médecine du travail.

La salariée ne perçoit donc pas de rémunération depuis le 02/09/2008.

Elle saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir le versement de son salaire.

La Cour d’appel donne raison à la salariée, en se référant à l’article L 1226-4 du Code du travail.

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis et déboute la salariée de sa demande, en considérant que l’article L 1226-4 ne concerne pas les salariés en contrat CDD.

Cour de cassation du 19/05/2010 pourvoi C 09-40.633 arrêt 1026 F-D

Voir aussi : Inaptitude médicale en 50 questions

       II.    Le traitement de l’inaptitude selon la nature du contrat de travail

L’inaptitude totale du salarié consécutif à un accident du travail est donc traitée d’une manière différente en fonction de la nature du contrat de travail.

A.  Pour un contrat  CDI

a)  Les différentes étapes

Temps numéro 1 : Déclaration inaptitude

  • Le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail.
  • La déclaration d’inaptitude n’est pas immédiate (sauf dans le cas précis où la présence du salarié à son poste entraîne un danger immédiat pour la santé et la sécurité du salarié ou celle des tiers)
  • Cette déclaration ne peut être faite :
    • qu après une étude du poste de travail et des conditions de travail dans l entreprise ;
    • qu après avoir effectué deux examens médicaux de l intéressé, espacés de 2 semaines.
  • C’est l’article R 4624-31 du Code du travail qui indique ces particularités (article créé par le décret 2008-244 du 07/03/2008)
  • C’est l’employeur qui prend l’initiative de provoquer la deuxième visite et la Cour de cassation a estimé dans une affaire récente que l’employeur qui s’abstient de saisir le médecin du travail après le 1er examen commet une faute dont il doit réparation au salarié (Cour de cassation 12/03/2008 arrêt 07-40039)
  • De la même façon, un licenciement initié après une seule visite est considéré comme nul (Cour de cassation du 16/07/1998 arrêt 95-45363 et 21/03/2007 arrêt 06-41678FD)
  • Il est bon aussi de signaler que l’inaptitude déclarée par la médecine du travail peut être soit :
    • a)   Totale
    • b)   Partielle (seuls certains postes peuvent éventuellement convenir au salarié ou certaines tâches)
    • c)    Définitive (le salarié ne peut donc pas devenir apte dans l’avenir)
    • d)   Temporaire (l’état de santé peut permettre au salarié, dans le respect d’un certain délai, de reprendre l’activité pour laquelle le médecin le déclare inapte)

Et le salaire entre les 2 visites médicales ?

A ce sujet, peuvent se présenter 2 cas de figure :

  • 1.    Si le salarié se tient à la disposition de son employeur pendant les « 2 semaines » : l’employeur doit rémunérer cette période, le contrat de travail n’étant pas suspendu. (Cour de cassation 15/07/1998 arrêt 96-40768).
  • 2.    L’employeur peut refuser au salarié d’accéder à son poste et cela  permet  à l’employeur de ne pas rémunérer le temps séparant les deux examens médicaux. (Cour de cassation 21/01/1997 arrêt 93-43617).

Temps numéro 2 : Reclassement

  • L’employeur dispose alors d’un délai d’1 mois pour reclasser le salarié comme l’indique l’article L 1226-2 du Code du travail.
  • Même en cas d’inaptitude totale, l’employeur doit néanmoins procéder à la recherche d’un reclassement du salarié.

Temps numéro 3 : Au terme du délai d’un mois

  • Si à l’issue du délai d’1 mois, aucun poste n’a été trouvé ou si le salarié l’a refusé, l’employeur doit licencier le salarié.
  • Le refus du salarié ne constitue pas en soi un motif de licenciement, car la proposition de reclassement doit s’analyser comme la proposition de modification du contrat de travail.
  • Le délai d’un mois court à compter de la date du second examen médical.
  • Seul le licenciement est à envisager, la rupture négociée ou la rupture conventionnelle ne sont pas autorisées dans ce cas précis d’inaptitude.
  • Si le licenciement n’a pas été réalisé, l’employeur doit alors reprendre le versement du salaire correspondant à l’emploi qu’occupait le salarié avant la suspension du contrat de travail.
  • Si l’employeur ne rémunère pas le salarié lorsque le délai d’un mois est écoulé, le salarié peut alors :
    • Considérer que le contrat se poursuit et saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement des salaires ;
    • Prendre acte de la rupture du contrat de travail qui s’analysera alors comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

b)  Le calcul de l’indemnité de licenciement

2 cas peuvent se présenter :

  •       I.         Inaptitude du salarié suite à une maladie ou un accident d’origine non professionnelle :

L’indemnité de licenciement sera égale à l’indemnité conventionnelle ou légale prévue dans le cas d’un licenciement « ordinaire ».

  •      II.         Inaptitude du salarié suite à une maladie professionnelle ou un accident du travail :

Le salarié percevra alors l’indemnité « spéciale » de licenciement dont la valeur est égale au double de l’indemnité de licenciement comme le prévoit l’article L 1226-14 du code du travail.

La règle de « doublement » ne s’applique pas à l’indemnité conventionnelle (Cour cassation 22/01/1992 arrêt 89-40147)

c)  L’indemnité temporaire d’inaptitude

Article  L 1226-11 du code du travail

Articles D 433-3 à D 433-5 du code de la sécurité sociale

  • Le décret 2010-244 du 09/03/2010 (JO du 11/03/2010) prévoit une nouvelle disposition (à compter du 01er juillet 2010 pour une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
  • Le salarié peut bénéficier alors d’une indemnité temporaire d’inaptitude.
  • Cette indemnité est versée à compter du 1er  jour qui suit la date de l’avis d’inaptitude et jusqu’au jour de la date de licenciement ou du reclassement du salarié par l’employeur.
  • Le versement s’effectue dans la limite de la durée maximale d’un mois (art L 1226-11) (à compter de la seconde visite médicale durant laquelle l’inaptitude physique a été prononcée)
  • Le montant journalier est égal au montant de l indemnité journalière (IJSS) versée avant l avis d inaptitude du médecin du travail et pendant l arrêt de travail lié à l accident du travail ou la maladie professionnelle.
  • Le salarié doit adresser à la CPAM (Caisse Primaire d Assurance Maladie) dont il dépend un formulaire particulier remis par le médecin du travail lors de l avis d inaptitude dont un volet est destiné à l employeur.

B.  Pour un contrat  CDD

Temps numéro 1 : Déclaration inaptitude

  • Procédure identique à celle des contrats CDI.

Temps numéro 2 : Reclassement

  • L’employeur dispose alors d’un délai d’1 mois pour reclasser le salarié.
  • Procédure identique à celle des contrats CDI.

Temps numéro 3 : Au terme du délai d’un mois

Si à l’issue du délai d’1 mois, le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’affaire qui nous concerne indique donc que l’employeur ne se trouve pas dans l’obligation de reprendre le versement du salaire occupé par le salarié avant la suspension du contrat de travail.

Le salarié continue à faire partie de l’entreprise mais n’est pas payé !!

La cour de cassation considère en effet que la rupture anticipée du contrat CDD ne peut avoir lieu dans ce cas.

La raison est simple, les cas de ruptures anticipées du contrat CDD sont très encadrés par le Code du travail et la liste est la suivante :

  • A la demande du salarié pour occuper un CDI ;
  • Avec l’accord des deux parties (employeur et salarié) ;
  • En cas de force majeure (incendie usine,..) évènement imprévisible, insurmontable et étranger à l’entreprise qui l’invoque ;
  • En cas de faute grave ou lourde du salarié.

Lorsque l’inaptitude est consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (et le reclassement impossible), l’employeur peut demander la résolution judiciaire du CDD avant le terme selon l’article L 1226-20 du code du travail.

Pierre-Jean FABAS – Formateur Paye