Harcèlement : vers une responsabilité systématique de l’employeur

Par deux arrêts du 3 Février 2010, la Cour de cassation vient de prendre une position très stricte et lourde de conséquence en matière de harcèlement.

Ainsi, elle vient de décider que les violences ou actes de harcèlement subis par un salarié sont un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, peu importent les mesures prises pour faire cesser ces agissements.

Dans les deux affaires susvisées, l’employeur avait agi de bonne foi et avait mis en place des mesures de nature à faire cesser les actes de harcèlement puisque dans une des affaires il avait sanctionné le salarié harceleur et l’avait muté et dans l’autre il avait pris des mesures protectrices du salarié victime.

On avait donc à faire à deux employeurs respectivement diligents et soucieux de leur obligation de sécurité de résultat en matière de santé de leurs salariés.

Motifs pour lesquels les Cour d’appel respectivement saisies de ces affaires avaient considéré que les prises d’acte mises en œuvre par les salariés victimes devaient s’analyser en démission étant donné que l’employeur avait, dès qu’il en avait été informé, prit les mesures de nature à faire cesser ces agissements.

Or, la Cour de cassation estime que le manquement à son obligation de sécurité de résultat envers ses salariés est établi du seul fait qu’un salarié est victime de violences ou de harcèlement, nonobstant les éventuelles mesures prises par l’employeur pour les faire cesser.

Donc seule la preuve d’une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure pourrait exonérer l’employeur de sa responsabilité.

Certains pourraient déduire hâtivement de ces 2 arrêts que chaque prise d’acte en raison d’un harcèlement va désormais produire à coup sur les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, ce serait là oublier que reste un élément essentiel contre lequel bute en amont nombre de salariés pourtant réellement harcelés : la preuve du harcèlement moral.

Enfin, rappelons que ces arrêts interviennent dans une période sociale très troublée notamment par les suicides chez France TELECOM et la parution en Février dernier de la liste rouge des entreprises ‘mauvaises élèves’ en termes de prévention du stress au travail (Travailler-mieux.gouv.fr).

Ces décisions ont manifestement pour but de responsabiliser les employeurs et de les inciter à plus de prévention sur le risque psycho social dans l’entreprise pour éviter de voir leur responsabilité mise en cause.

La Cour de cassation vient ici leur rappeler qu’ils doivent anticiper et agir en amont et non uniquement en aval, une fois que les faits de harcèlement sont portés à leur connaissance.

On peut toutefois déplorer l’effet négatif de cette jurisprudence qui va à l’évidence sanctionner des employeurs pourtant soucieux de leurs salariés et ayant mis en œuvre des mesures une fois informés des actes de harcèlement moral.

Me Eva Touboul – Avocat en droit du travail – 91, rue du Fbg St Honoré – 75008 Paris
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