Rupture conventionnelle du contrat de travail : bilan jurisprudentiel

1. Sur le contexte de la rupture conventionnelle

1.1. Contexte litigieux

Par définition, la rupture conventionnelle suppose l’existence d’un accord entre l’employeur et le salarié, tant sur le principe de la rupture du contrat de travail que sur ses conséquences.

Comme l’administration l’a rappelé, « la rupture conventionnelle, comme toute rupture amiable, procède d’une initiative commune de l’employeur et du salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail » (circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009).

Cela étant, comme l’a jugé la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen 27 avril 2010 n° 09-4140), la rupture conventionnelle conclue dans un contexte de désaccord notamment sur le niveau de rémunération du salarié n’a pas à être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse s’il « n’est pas pour autant avéré qu’une situation conflictuelle ait existé entre les parties avant que soit envisagée une rupture conventionnelle et qu’elle ait perduré jusqu’à l’entretien préalable… »

Il résulte de cette décision que la rupture conventionnelle peut, d’une certaine manière, être la solution à un litige préexistant entre les parties, à condition que leur consentement soit libre et éclairé au moment de la rupture.

En revanche, il est nécessaire de rappeler que la rupture conventionnelle n’est pas une transaction, et que le salarié dispose d’ailleurs d’un délai d’un an, à compter de la date d’homologation de la convention, pour former un recours contre cette dernière, devant le conseil de prud’hommes.

1.2. Contexte économique

Il résulte de l’article L. 1237-16 du Code du travail que la rupture conventionnelle n’est pas applicable aux ruptures de contrats de travail résultant des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et des plans de sauvegarde de l’emploi.

La circulaire du 17 mars 2009 précitée a clairement indiqué à l’attention des acteurs du travail qu’il « convient d’être particulièrement vigilant sur les ruptures conventionnelles qui seraient conclues en vue de contourner les garanties en matière de licenciements économiques et collectifs. »

Ainsi, la direction du travail (DIRECCTE) doit refuser d’homologuer une rupture conventionnelle qui masquerait une suppression de poste pour motif économique.

La Cour d’appel de Nancy a réaffirmé cette solution dans un arrêt du 26 février 2010 (CA Nancy 26 février 2010, n° 09-951), tout en estimant en l’espèce qu’en dépit de difficultés économiques non contestées, le salarié souhaitait rompre son contrat de travail pour des motifs personnels (longueur et coût de ses trajets entre son domicile et son lieu de travail à la suite d’un regroupement d’activités en un lieu unique).

L’arrêt est intéressant dans la mesure où il ne s’est pas contenté de constater que des difficultés économiques existaient mais a recherché et respecté la volonté des parties à la rupture.

2. Sur le déroulement de la rupture conventionnelle

2.1. Les entretiens préalables à la rupture conventionnelle

Il résulte de l’article L. 1237-12 du Code du travail que les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister, comme en matière de licenciement.

Pour autant, le texte n’exige pas que l’employeur adresse préalablement une convocation au salarié, dans un délai déterminé.

Le conseil de prud’hommes de Bobigny, dans un jugement du 6 avril 2010 (CPH Bobigny 6 avril 2010, n° 08-4910) a jugé qu’un employeur avait violé les dispositions de cet article, en convoquant le salarié le samedi 4 octobre pour un entretien prévu le lundi 6 octobre. En effet, dans la mesure où les bureaux de l’inspection du travail sont fermés le samedi et le dimanche, le salarié ne pouvait se procurer la liste des conseillers du salarié avant l’entretien.

L’employeur doit donc être vigilant quand il matérialise la convocation du salarié à l’entretien préalable à la rupture conventionnelle, et veiller à laisser s’écouler un délai suffisant entre la convocation et l’entretien.

2.2. L’indemnité de rupture conventionnelle

Deux décisions (au moins) se sont prononcées sur l’indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié.

– D’une part, le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny susvisé (CPH Bobigny 6 avril 2010, n° 08-4910) a considéré que l’ancienneté du salarié s’apprécie à la date envisagée de la rupture du contrat et que les années incomplètes doivent être prises en compte pour évaluer l’ancienneté.

Cette solution est conforme à la position de l’Administration, la circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009 ayant même précisé que « dans le cas où le salarié partie à la rupture conventionnelle a moins d’une année d’ancienneté, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle lui est due au prorata du nombre de mois de présence. »

– D’autre part, dans un jugement du 6 novembre 2008 (CPH Valence 6 novembre 2008,
n° 08/00642), le conseil de prud’hommes de Valence a jugé qu’une rupture conventionnelle peut être homologuée si le montant de l’indemnité est calculé en fonction des périodes de travail à temps plein et à temps partiel du salarié, conformément aux modalités de calcul de l’indemnité légale de licenciement.

Précisons toutefois que si la convention collective prévoit des modalités de calcul plus favorable, celles-ci devront primer.

3. Le contentieux de la rupture conventionnelle

3.1. Juridiction compétente

Selon l’article L. 1237-14, alinéa 3 du Code du travail : « tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. »

Sur le fondement de ce texte, la Cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble 23 novembre 2009 n° 09-3601) a jugé qu’il n’entre pas dans la compétence du tribunal de grande instance (TGI) d’apprécier la régularité des ruptures conventionnelles, seul le conseil de prud’hommes étant compétent pour statuer sur leur contestation.

3.2. Conseil de prud’hommes statuant en référé

Une ordonnance intéressante du conseil de prud’hommes de Nanterre (CPH Nanterre 5 janvier 2010, n° 09-648) a statué sur la question de savoir si le conseil de prud’hommes peut prononcer en référé l’homologation d’une rupture conventionnelle.

Dans cette décision, le Conseil a jugé que constituerait un trouble manifestement illicite l’attente d’un jugement au fond sur l’homologation d’une rupture conventionnelle, le salarié ayant un projet personnel en cours.

Se fondant également sur l’urgence, le Conseil a prononcé en référé l’homologation de la convention de rupture qui lui avait été soumise par les parties, après un refus d’homologation de la direction du travail.

4. Les conséquences de l’annulation de la rupture conventionnelle

Dans un jugement du 25 mai 2010, le conseil de prud’hommes des Sables d’Olonne (CPH Sables d’Olonne 25 mai 2010, n° 09-68) a annulé une rupture conventionnelle, au motif qu’elle avait été conclue avec un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Il est en effet rappelé qu’une rupture conventionnelle ne peut pas être conclue chaque fois que le salarié bénéficie d’un régime de protection particulier, comme un congé maternité, un arrêt de travail imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle, etc.

S’agissant des effets de la nullité de la rupture conventionnelle, le Conseil a justement considéré que celle-ci devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,  mais non d’un licenciement nul.

Le conseil de prud’hommes de Bobigny (CPH Bobigny 6 avril 2010, n° 08-4910) avait adopté la même solution concernant une rupture conventionnelle entachée d’irrégularité.

Me Xavier Berjot

Avocat Associé – Société d’Avocats JBV

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