L’utilisation du téléphone portable par le salarié

L’utilisation du téléphone portable par le salarié

1.    L’employeur peut-il interdire l’utilisation du téléphone portable personnel pendant les horaires de travail ?

L’employeur ne peut apporter des restrictions aux droits des salariés et à leurs libertés individuelles qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (C. trav. art. L. 1121-1).

L’article L. 1321-3 du Code du travail reprend la même interdiction s’agissant du règlement intérieur, qui ne peut contenir de clauses ainsi restrictives.

Il en résulte qu’une interdiction générale et absolue d’utiliser le téléphone portable personnel, sur le lieu de travail et pendant les horaires de travail, peut être considérée comme abusive.

En revanche, des situations de travail particulières peuvent parfaitement justifier cette interdiction (conduite, travail posté, travaux en hauteur…).

2.    L’utilisation du téléphone portable professionnel à des fins personnelles constitue-t-elle un avantage en nature ?

Lorsque, dans le cadre de l’activité professionnelle, l’employeur met à la disposition du salarié un téléphone portable dont l’usage est en partie privé, l’avantage en nature constitué par cet usage privé doit être soumis en partie à cotisations sociales.

L’avantage en nature est évalué, sur option de l’employeur (arrêté du 10 décembre 2002) :

–       Soit sur la base des dépenses réellement engagées ;

–       Soit sur la base d’un forfait annuel estimé à 10 % du coût d’achat ou, le cas échéant, de l’abonnement, toutes taxes comprises.

Cependant, pour l’Urssaf, l’utilisation raisonnable du téléphone portable pour la vie quotidienne d’un salarié (ex. appels de courte durée) dont l’emploi est justifié par les besoins ordinaires de la vie professionnelle et familiale n’est pas considérée comme un avantage en nature.

De même, l’avantage en nature peut être négligé lorsqu’un document écrit de l’entreprise mentionne que le téléphone portable mis à disposition par l’employeur est destiné à un usage professionnel ou que son utilisation par le salarié découle d’obligations et de sujétions professionnelles (ex. possibilité d’être joint par téléphone à tout moment).

3.    L’employeur peut-il reprendre le téléphone portable professionnel mis à la disposition du salarié ?

Si le téléphone portable n’est pas un avantage en nature mais un simple outil de travail, l’employeur est en principe libre de le supprimer, sauf si cette mesure constitue une discrimination ou participe d’un harcèlement moral (Cass. soc. 27 octobre 2004, n° 04-41.008).

En revanche, si le téléphone portable est un avantage en nature, il s’agit alors d’un élément de rémunération et l’employeur ne peut en priver unilatéralement le salarié.

Cette solution est applicable même en cas de dispense de préavis, puisque l’inexécution du préavis ne doit entraîner aucune diminution des salaires mais aussi des avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis (C. trav. art. L. 1234-5).

Il est donc impossible, dans ce cas, de reprendre au salarié le téléphone professionnel dont il a également un usage personnel, ce qui peut évidemment poser des difficultés pratiques, notamment en cas de risque de concurrence de la part d’un ancien salarié.

4.    Les données issues du téléphone portable professionnel ou personnel peuvent-elles constituer un mode de preuve ?

Pour la Cour de cassation, si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectuée à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur (Cass. soc. 23 mai 2007 n° 06-43.209).

De même, le message vocal de l’employeur laissé sur le téléphone du salarié est un mode de preuve valable (Cass. soc. 6 février 2013 n° 11-23.738).

Par conséquent, l’employeur et le salarié peuvent parfaitement produire en justice les SMS ou messages vocaux échangés au moyen d’un téléphone portable professionnel ou même personnel.

En revanche, constituent un mode de preuve déloyal les vidéos filmées par un téléphone portable et mises en ligne par leur auteur sur un site de partage de vidéos, que l’employeur produit pour établir les actes humiliants commis par un salarié sur un stagiaire, sans apporter la preuve qu’il avait obtenu de façon autorisée ces vidéos destinées à un public limité détenteur d’un code d’accès (CA Douai 30 septembre 2009, n° 08-3130).

5.    L’utilisation du téléphone portable professionnel doit-elle faire l’objet d’une déclaration à la CNIL ?

La mise à disposition d’un téléphone portable au bénéfice du salarié conduit l’employeur à disposer des données relatives à l’utilisation de ce moyen de communication, via leur transmission par l’opérateur choisi par l’employeur.

Ainsi, le traitement des données relatives à l’utilisation du téléphone portable dans ce cadre doit faire l’objet d’une déclaration préalable en application de la norme n° 47 issue de la délibération CNIL n° 2005-019 du 3 février 2005.

Attention : Les finalités de ce traitement sont limitées à la simple gestion des moyens de communication et à la maîtrise des dépenses liées à l’utilisation des services de téléphonie. Les finalités relatives à l’écoute ou l’enregistrement des conversations téléphoniques ou la localisation d’un salarié à partir de son téléphone portable sont expressément exclues du champ d’application de la norme.

La durée de conservation des données relatives à l’utilisation des services de téléphonie est limitée à un an courant à la date de l’exigibilité des sommes dues en paiement des prestations des services de téléphonie.

6.    Dans quels cas l’utilisation du téléphone portable du salarié peut-elle justifier son licenciement ?

La jurisprudence fournit de nombreux exemples de licenciements liés à l’usage du téléphone portable par le salarié.

Ainsi, est justifié par une faute simple le licenciement du salarié ayant passé des appels téléphoniques en dehors des horaires de travail avec le téléphone portable mis à sa disposition par l’employeur (CA Paris 2 juillet 2008, n° 06-13085).

En revanche, n’est pas justifié le licenciement motivé par l’usage abusif du téléphone portable alors qu’une utilisation privée était largement tolérée dans l’entreprise et que le salarié n’avait pas fait l’objet d’une mise en garde ni même de remarques préalables (Cass. soc. 1er février 2011, n° 09-42.786).

Dans le domaine de la circulation routière, la Cour d’appel de Nancy a pu admettre le bien fondé du licenciement pour faute grave d’un chauffeur envoyant de nombreux SMS au volant, dans la mesure où ce comportement, contrevenant au Code de la route, constitue un manquement caractérisé aux règles élémentaires de sécurité, de nature à créer un danger pour les autres usagers de la route (CA Nancy 14 novembre 2012, n° 12/00388).

Par Me Xavier Berjot
Avocat Associé – OCEAN AVOCATS
www.ocean-avocats.com