Travailler le Dimanche : dans quelles conditions

Le travail dominical depuis la loi du 10 août 2009

La loi n° 2009-974 du 10 août 2009 semblait annoncer une révolution dans le monde du travail.
En réalité, elle est surtout intervenue pour légaliser une pratique devenue presque coutumière.

I)    Le rappel d’un principe

L’article L. 3132-3 du code du travail est venu réaffirmer le principe qui veut que « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».

Le repos dominical reste donc le principe, les autres cas sont des exceptions.

II)  L’exception : le travail du dimanche

La loi est venue créer diverses dérogations au principe du repos dominical.

On peut ainsi observer trois catégories :

  • Les dérogations permanentes de droit (Dérogations liées aux contraintes de production ou aux besoins du public et dérogations dans les commerces de détail alimentaire),
  • Les dérogations conventionnelles (Dans les industries ou les entreprises industrielles qui ont un travail continu ou qui organisent une équipe de suppléance),
  • Les dérogations sur autorisation administrative (Dérogations préfectorales afin d’éviter un préjudice au public ou au fonctionnement normal de l’établissement, dérogations dans les zones dites « périmètre d’usage de consommation exceptionnel », dérogations de droit dans les communes d’intérêt touristique ou thermale et dans certaines zones touristiques du territoire et dérogations accordées par le maire dans les commerces de détail).

Les nouvelles exceptions ne concernent que quelques villes et quelques professions : Me Xavier Berjot les définit très bien dans son article Travail le dimanche : le point .

III)         Les garanties pour le salarié privé de repos dominical

  • A)  L’obligation de négocier

Une obligation de négociation a été imposée dans les commerces ou services de détail dans lesquels les dérogations administratives au repos dominical sont applicables.

Si l’employeur envisage de faire travailler un ou des salariés le dimanche, il doit engager une négociation. La négociation devra opposer les organisations professionnelles ou l’employeur avec les organisations syndicales représentatives.

La négociation peut se faire au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise afin de définir les contreparties.

Précisons que le code du travail impose une obligation de négociation et non une obligation d’accord. Il s’agit alors d’une obligation de moyen et non de résultat.

  • B)   Pas d’obstacle à l’embauche

Le fait pour un candidat de refuser de travailler le dimanche ne doit pas être pris en compte lors de l’embauche. Il s’agirait là d’un cas de discrimination.

Bien sûr, ceci a été ajouté par le législateur pour rassurer les opposants au travail dominical mais n’a, en pratique, que peu de force puisque pratiquement impossible à prouver.

  • C)   Pas de discrimination

Là encore, le législateur s’est voulu rassurant. Le refus du salarié de travailler le dimanche doit être respecté et ne doit pas faire l’objet de discrimination.

Dans ce sens, ce refus ne peut pas constituer pas une faute ni un motif de licenciement.

Il est cependant étrange que dans cette optique ce cas n’ait pas été inséré dans l’article L. 1132-1 du code du travail, article listant les discriminations (sexe, âge, religion…).

  • D)  Sur la base du volontariat

Un salarié ne pourra travailler le dimanche que s’il est volontaire pour le faire. Ce volontariat doit évidemment être antérieur à l’exécution d’un travail dominical.

En outre, et pour faciliter l’apport de preuve en cas de litige, l’article L. 3132-25-4 du code du travail exige un écrit afin de reconnaître ce volontariat.

Cet écrit se traduira par une clause dans le contrat de travail ou par un écrit annexe.

Ensuite, il est impératif que ce volontariat soit permanent. En l’absence d’un accord collectif, deux possibilités s’offrent alors à l’employeur :

  • Soit, chaque année, ce dernier devra proposer à ce salarié de bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant de sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail dominical dans le même établissement ou, à défaut, dans l’entreprise,
  • Soit il doit l’informer de sa possibilité de ne plus travailler le dimanche s’il le souhaite après un préavis de trois mois.

Toujours en l’absence d’accord collectif, le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Le salarié devra impérativement prévenir son employeur un mois à l’avance.

  • E)   Le repos compensateur

L’article L. 3132-17 du code du travail dispose que le salarié privé de son repos dominical doit bénéficier d’un repos compensateur équivalent en temps.

  • F)   La rémunération

Le salarié qui travaille le dimanche devra être payé au moins le double de ce qu’il gagne habituellement sur la même durée de temps.

IV)         Conclusion et contenu de l’accord collectif

L’accord collectif peut être conclu au niveau d’une branche, d’un groupe, d’une entreprise ou d’un établissement.

Il peut être national, départemental ou local.

Il peut être à durée déterminée afin de concorder avec l’autorisation administrative de travail dominical ou être à durée indéterminée.

L’accord collectif, une fois signé, a une force supérieure à la décision unilatérale de l’employeur du travail dominical (voir ci-après et l’article L. 3132-25-3 du code de travail).

L’accord collectif doit impérativement aborder trois sujets :

  • les contreparties accordées au salarié privé du repos dominical (quantum et nature des contreparties),
  • les conditions de prise en compte de l’évolution de situation personnelle du salarié privé du repos dominical,
  • les dispositions en terme d’emploi ou en faveur de certains publics en difficultés ou des travailleurs handicapés.

V)  Une possible décision unilatérale de l’employeur

Le principe veut que la décision de faire travailler des salariés le dimanche doit être négociée.

Cependant, si, et seulement si, la négociation aboutit à un échec, l’article L. 3132-25-3 du code du travail permet à l’employeur de prendre une décision unilatérale.

Suite à l’avis du Comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, cette décision devra être soumise par referendum à l’approbation des salariés.

En fait de décision unilatérale, on devrait ainsi parler d’une initiative unilatérale de l’employeur puisque, si le referendum s’avère négatif, l’employeur ne pourra pas continuer sa démarche.

VI)         En cas d’ouverture illégale

En cas d’ouverture illégale d’établissement le dimanche, le juge pourra ordonner toute mesure propre à faire cesser l’infraction et y ajouter une astreinte.

Antoine JUILLARD

Master II en Droit des contentieux

  • Lire aussi : Travail le dimanche : récapitulatif