Les privilèges : protection contre le risque de non-paiement des créances de salariés

Les privilèges : protection contre le risque de non-paiement des créances de salariés.

En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, la garantie AGS doit être distinguée des privilèges.

Alors que la garantie « AGS » assure une certitude de paiement, les privilèges sont des sûretés qui n’offrent qu’une possibilité de paiement prioritaire.

I) le superprivilège des salaires

Lorsque l’ouverture une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire est prononcée, les rémunérations de toute nature touchant les soixante derniers jours précédant celle-ci doivent être versées aux salariés malgré l’existence de toute autre créance privilégiée.

La période de deux mois couverte est antérieure à l’ouverture de la procédure même s’il n’est pas impératif qu’elle la précède immédiatement.

Ce superprivilège n’est accordé qu’à hauteur d’un plafond égal à deux fois le plafond mensuel des cotisations de la sécurité sociale et ce, pour chacun des deux mois couverts.

Les sommes couvertes sont :

  • les salaires,
  • les appointements ou commissions,
  • les accessoires au salaire :
    • indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat de travail suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle,
    • indemnité de fin de CDD,
    • indemnité de précarité en fin de mission,
    • indemnité compensatrice de préavis,
    • indemnités de congés payés jusqu’à concurrence d’un plafond identique à celui établi pour une période de trente jours de rémunération.

Le mandataire judiciaire devra payer ces créances sur ordonnance du juge-commissaire dans les dix jours suivants le jugement d’ouverture de la procédure si l’actif le permet.

Si les fonds ne permettent pas le paiement des rémunérations couvertes par ce superprivilège, les sommes dues devront être versées dès les premières rentrées de fonds.

II) Le privilège de l’article L622-17 du code de commerce

Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, doivent être payées à leur échéance.

Lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l’exception de celles garanties par le superprivilège des salaires, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties pour les personnes ayant consenti un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité.

Le paiement se fait alors dans l’ordre suivant :

  • 1° les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé,
  • 2° les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l’exécution des contrats poursuivis et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé. Ces prêts et délais de paiement sont autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période d’observation et font l’objet d’une publicité. En cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice de ce privilège,
  • 3° puis, les autres créances, selon leur rang.

Les créances impayées perdent leur privilège si elles n’ont pas été portées à la connaissance de l’administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation.

III) Le privilège ordinaire des salaires

  • Article L3253-1 du code du travail

Ce privilège porte sur les meubles et immeubles du débiteur.

Les créances garanties par ce privilège sont plus vastes que celles du superprivilège des salaires.

Il garantit le paiement des rémunération des six derniers mois précédant l’ouverture de la procédure collective même s’il n’est pas impératif qu’elle la précède immédiatement.

En outre, sont privilégiées sans limitation de durée :

  • l’indemnité de fin de CDD,
  • l’indemnité prévue en cas de rupture unilatérale du contrat de travail à durée déterminée,
  • l’indemnité de précarité en fin de mission,
  • l’indemnité compensatrice de préavis
  • les indemnités de congés payés,
  • les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement,
  • l’indemnité spéciale due au salarié en cas de rupture du contrat de travail suite à un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
  • les indemnités de rupture anticipée illicite de CDD
  • les indemnités dues en cas de licenciement abusif,
  • les indemnités dues en cas de licenciement illicite d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

IV) Les autres sûretés

Il existe diverses autres sûretés qui privilégient les salariés.

En voici une liste :

  • Le privilège de l’article L3253-23 du code du travail

Les maçons, charpentiers et autres ouvriers du bâtiment ainsi que ceux employés à la construction et à l’équipement de bateaux, les salariés des entreprises agricoles et les auxiliaires salariés des travailleurs à domicile disposent d’une action directe (il s’agit du droit pour un créancier d’agir en justice en son nom et pour son compte contre le débiteur de son débiteur).

  • Le superprivilège des façonniers
  • Article L3253-5 du code du travail

Les sommes dues aux façonniers (prestataires de services visant à la transformation de matières) par leurs donneurs d’ordres doivent être payées et ce malgré l’existence d’autres créances privilégiées.

A noter que ce superprivilège ne passe qu’après le privilège de l’article L3253-2 du code du travail (superprivilège des salaires) et ne couvre les sommes qu’à concurrence du montant total des rémunérations dues aux salariés de ces façonniers pour les soixante derniers jours de travail ou d’apprentissage précédant l’ouverture de la procédure collective.